1.3LES MOYENS Les membres des sociétés de gymnastiques et particulièrement Eugène Paz et Napoléon Dally ont très tôt réclamé la création de gymnases municipaux dans chaque ville et particulièrement en 1869 et 1871, époque où la France est en conflit avec la Prusse. En outre, les mêmes, relayés dès 1880 par les membres du "Cercle de Gymnastique Rationnelle", insistent sur la nécessité d'une formation sérieuse et civile des professeurs. Pourtant, en 1880, les moyens restent faibles.
1.3.1Les professeurs Le choix du Ministre est clair. Ce seront les militaires formés à l'Ecole Normale de Joinville. On enseigne dès 1868 dans cet établissement de formation, la méthode suédoise et les projets de mise en place d'un corps enseignant formé n'ont pas manqué. Cependant en 1881, on fera systématiquement appel aux militaires qui bénéficient d'une formation rigoureuse adaptée aux demandes du moment, et surtout ne coûte pas cher (emploi complémentaire à une pension de retraite). Bien entendu, on n'a pas manqué, depuis, d'apprécier le poids que peut peser dans l'inconscient de la discipline cette hérédité militaire...
Pourtant, E. Paz, le Docteur Hillairet, Triat et le Cercle de Gymnastique Rationnelle recommandent une prise en compte par l'Université, de la formation des professeurs de gymnastique. Mais, en attendant, on envisage seulement d'organiser des stages à Joinville le Pont, pour les instituteurs. On en vient même à faire une distinction entre les professeurs de gymnastique issus de Joinville mais non militaires et les professeurs "spéciaux de gymnastique militaire" qui seront mieux payés que les premiers. Le salaire varie de 1000 Francs par an à 1800 Francs par an à une époque où un ouvrier très qualifié gagne au mieux 3 francs par jour.
Entre 1879 et 1886, 600 diplômes de professeur de Gymnastique seront délivrés, ce qui montre à la fois l'effort accompli... et la faiblesse de la discipline sur le terrain. Le diplôme requis est un examen passé devant un jury composé essentiellement de militaires donnent le certificat d'aptitude à l'enseignement de la gymnastique (CAEG). Des cours de durée limitée sont organisés, à Paris seulement, à l’initiative de Georges Demenÿ, pour améliorer le niveau des professeurs civils (quelques semaines).
1.3.2Les installations Dès les années 80, deux types de gymnastiques commencent à se différencier et à entrer en concurrence: d'une part, la gymnastique d'orientation militaire avec son matériel et, d'autre part, une gymnastique plus statique avec Tissié ou plus dynamique avec Demeny. Les coûts étant différents, tant par les espaces que par les matériels nécessaires. Les choix institutionnels répondent comme souvent à la loi du moindre coût. Ce que l'on appellera les "exercices préliminaires", en particulier, réclame un espace réduit et peut avoir lieu dans une cour d'école, sous un préau et sans installation coûteuse. Ils auront donc la faveur des autorités. Toutefois, la circulaire du 3 novembre 1882 prévoit la possibilité d'achat de matériel de type amorosien (barres, échelles, trapèzes, cordes, etc...) et vient donc officialiser et compléter les circulaires de février 69 (Duruy) et 80 qui demandaient aux communes et aux établissements de se pourvoir en matériel. Un certain nombre de dotations constituent ainsi les premières formes de prise en charge de l'Education Physique par l'Etat. Ce n'est qu'un début: cette étatisation ira en s'accroissant, et plus l'état prendra l'Education Physique en charge plus, en contrepartie, il en prendra le contrôle.
De leur côté, les "bataillons scolaires" feront l'objet d'un budget particulier qui permettra l'achat de képis ou casquettes militaires, de vareuses, de pantalons, de chaussures et de ceintures ainsi que d'un fusil. De même, ces crédits doivent permettre de payer les militaires qui assurent l'instruction (les instituteurs voient d'un mauvais œil de tels avantages accordés aux militaires alors qu'eux-mêmes vivent souvent dans des conditions précaires). Pourtant certains lycées sont déjà équipés de salles d'escrime où les élèves s'exercent à différents exercices paramilitaires dans des conditions plus favorables. II faut ajouter que les appareils destinés à la "gymnastique de mouvement" font l'objet d'une publicité assez organisée. Mais rares sont les établissements qui se paient ce matériel.
Le budget Le Ministre de l'Instruction Publique veut faire des économies. Le choix des "exercices élémentaires" obéit en partie à cette logique. Son budget ne lui permet pas de développer un grand programme d'équipement, de formation et de recrutement malgré les quelques concessions signalées.
Par ailleurs, après la guerre de 1870, l'armée et les Républicains vont, pour un temps, poursuivre, apparemment du moins, les mêmes objectifs. Tous tombent d'accord pour décréter que l'instituteur et l'officier poursuivent le même but de formation du citoyen. La gymnastique doit précisément assurer le lien entre les deux institutions. La tentation est donc grande d'abandonner aux militaires le soin d'assurer celle-ci au prix peut être de sa réduction à l'enseignement des seuls exercices préparatoires mais, en partie au moins, sur le budget de la guerre. Nous verrons que la période suivante se démarquera de cette idée après l'affaire Boulanger, ministre de la guerre en 1886.
Nous pouvons, enfin, remarquer que la gymnastique enseignée dans les gymnases privés est déjà, à l'époque, très lucrative comparée au salaire des modestes des professeurs de gymnastique.
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