L'infini en mathématiques L'infini, des Grecs à Newton








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L'infini en mathématiques

1. L'infini, des Grecs à Newton


L'infini est un des concepts que l'on utilise le plus souvent en mathématiques. Par exemple, on le retrouve en calcul différentiel et intégral pour définir les limites, la continuité, la convergence, etc. Il est présent également dans les nombres, dans la géométrie et dans bien d'autres branches des mathématiques. L'utilisation de ce concept est même devenue si courante, si banalisée, que l'on n'en perçoit plus la complexité. Pourtant, depuis l’Antiquité, la notion d'infini a été au cœur de la réflexion mathématique, philosophique et religieuse en Occident. À la fin du siècle dernier, la mathématisation de l'infini a été un des grands progrès des mathématiques modernes. L'utilisation quotidienne de ce concept en calcul différentiel et intégral ne devrait pas en masquer l'importance dans la science actuelle.

Comme nous l'avons vu dans un texte antérieur consacré à ce thème, le concept d’infini se retrouve dans d’autres disciplines et particulièrement en physique sous une forme à la fois proche et différente. Dans le texte qui suit, nous tenterons de présenter ce concept sous un angle plus mathématique.

Commençons par un bref aperçu historique


Pour les Grecs, car c'est en Grèce que tout a commencé, l'infini était un concept dérangeant. Il était au cœur de trois grandes questions que se posaient les philosophes de l’époque, qui sont aussi les premiers esprits scientifiques :

  • L’infiniment grand : l’univers est-il borné ou s’étend-t-il à l’infini ?

  • L’infiniment petit : la matière est-elle discrète, c’est-à-dire composée ultimement d’éléments insécables, les atomes, ou est-elle continue, c’est-à-dire divisible à l’infini ?

  • L’infini du temps : l’Univers est-il apparu à un certain instant ou est-il éternel ?

Au début, vers 500 avant JC, deux écoles, celle des Ioniens, fondée par Thalès de Milet, et celle des Atomistes, surtout représentée par Démocrite, s’affrontaient sur ces sujets. Pour Anaximandre, par exemple, un Ionien, notre monde était fini et limité par une sorte de sphère percée d'ouvertures par lesquelles on pouvait apercevoir les étoiles. Au-delà s'étendait l'Apeiron, c'est-à-dire ce qui n'a pas de fin. Ainsi, l’Univers observable se tenait au sein d’une sorte de no man's land infini. Par contre, la matière était, elle, continue, c’est-à-dire divisible à l’infini.

Au contraire, pour les atomistes comme Démocrite et son maître Leucippe, la matière est alors ultimement composée d’atomes insécables séparés par du vide. Ils sont d'ailleurs les inventeurs de ce concept étonnant de « Vide ». La matière est donc discrète. Par ailleurs, pour les atomistes, les atomes sont en nombre infini et l’Univers est donc infini et contient une infinité de mondes comme le nôtre !

Puis Pythagore et Zénon, chacun à sa façon, allaient troubler durablement le monde grec avec l’infini. Le premier par la découverte des nombres irrationnels, le second par ses paradoxes. La première irruption dérangeante de l’infini chez les Grecs fut en effet la découverte des nombres irrationnels par Pythagore et son École. Les Grecs liaient encore les nombres à des grandeurs, les nombres rationnels étant alors associés à des rapports de grandeurs. À chaque nombre correspondait une grandeur et à chaque grandeur devait correspondre un nombre. Pythagore et ses disciples en étaient venus à interpréter le monde, de la musique au mouvement des planètes, par les nombres. « Tout est nombre » était la devise de leur École. Or ils découvrirent que la diagonale d’un carré de coté 1 ne pouvait être associée à aucun nombre entier ni à aucun rapport de nombre entier ! La longueur existait, on la voyait, mais aucun nombre ne pouvait la mesurer. Le système de Pythagore était menacé d’effondrement.

Démontrons l’irrationalité de .


Nous allons utiliser la méthode de « preuve par l’absurde ». On suppose que ce que l’on veut démontrer est faux et on montre que cette supposition débouche sur une contradiction.

Supposons donc que soit rationnel et démontrons que cela aboutit à une contradiction. Si est rationnel, il peut s’écrire sous la forme p et q sont irréductibles entre eux, c’est-à-dire ne sont pas simplifiables. En élevant au carré cette expression, nous obtenons :

, soit (1)

Nous constatons que est pair.

Donc p est pair. Le nombre p peut alors s’écrire sous la forme . Nous avons alors . L’équation (1) s’écrit alors , soit . Le nombre est alors pair et il en est de même du nombre q pour les raisons que nous avons mentionnées précédemment.

Or, quand le carré d’un nombre est pair, cela implique que le nombre lui-même est pair. Car le carré d’un nombre impair est toujours impair : , qui est bien impair.

Or le nombre p était déjà pair. Si le nombre q l’est également, ils peuvent se simplifier par 2 et cela contredit l’hypothèse qu’ils sont irréductibles.

L’hypothèse n’est donc pas valide et n’est pas rationnel.

En fait on pouvait trouver des rapports de nombres qui s’approchaient de plus en plus, infiniment près de la longueur cherchée, mais qui ne l’atteignaient jamais. Pour la toute première fois, l’infini apparaissait dans le domaine de la géométrie, les nombres étant la porte d’entrée sur l’infini. L’Histoire, ou la légende, dit que le disciple de Pythagore qui a fait cette découverte a été noyé par ses amis pour que la nouvelle ne se répande pas!

Les paradoxes de Zénon allaient hanter les mathématiciens pendant près de deux mille ans. Pour Zénon et son école, la perfection devait être éternelle et immobile, le changement n’était qu’une illusion des sens et le mouvement était une impossibilité théorique. Pour le prouver, il proposa une série de paradoxes montrant que le mouvement était impensable, surtout si le temps et la matière étaient continus et divisibles à l’infini, comme le prétendaient Anaximandre et l'École de Milet. C'est dans ce but qu'il énonça le fameux paradoxe d’Achille et de la tortue : Achille ne pourra jamais rattraper la tortue. En effet si la tortue part avec un peu d’avance, Achille devra d’abord combler la moitié de la distance qui les sépare, puis la moitié de la distance qui reste et ainsi de suite jusqu’à l’infini, puisque la distance est divisible à l’infini… Si le temps et l’espace sont discrets, comme le prétendront après lui les Atomistes, Zénon propose le paradoxe du javelot pour montrer que là aussi, le mouvement est impossible. Le temps étant fait d’instants isolés, le javelot lancé ne peut atteindre la cible. À un instant isolé et sans durée, le javelot ne peut qu’être immobile !

Pour Zénon, le mouvement est théoriquement impossible et ce n’est donc qu’une illusion de nos sens. Ces paradoxes basés sur la division ou non à l’infini allaient traumatiser la pensée occidentale sur le concept de mouvement pendant près de deux mille ans ! La faille dans le raisonnement de Zénon, c’est que la série est une série géométrique convergente dont la somme donne 1. Mais ce résultat mathématique n'allait être atteint que beaucoup plus tard. Qu’une somme infinie puisse donner une valeur finie était cependant impensable pour les penseurs grecs de l'époque.

Pour les Grecs, par exemple pour Aristote ou encore pour l'astronome Ptolémée, qui reprit et perfectionna sa conception de l'univers physique, le monde était un monde fini. Cette conception, adoptée par tout le Moyen-Âge, n'allait d'ailleurs être remise en cause que par Copernic, Kepler et Galilée deux mille ans plus tard. Leurs mathématiques, par exemple la célèbre géométrie d'Euclide, étaient aussi finies, à la mesure de l'homme. D'ailleurs, le maillon faible de cette géométrie, c'est le cinquième des postulats de base d'Euclide, celui qui présume du comportement des parallèles à l'infini1. Malgré quoi, Aristote avait tout de même proposé une distinction importante entre deux sortes d'infinis : l'infini potentiel, qu'il accepte, et l'infini actuel, qu'il rejette.

L'infini potentiel se définit négativement, comme étant quelque chose qui n'est pas fini, sans que l'on puisse en dire davantage. C'est celui des mathématiciens ou de la divisibilité théorique de la matière. Par exemple la suite des nombres entiers n'a pas de fin, car à tout nombre, aussi grand soit-il, nous pouvons toujours ajouter le nombre 1 et en obtenir un plus grand. Pour Aristote, ce type d'infini « ne se laisse pas parcourir et n'a pas de limite », il n'existe donc que « poten­tiel­lement ». C'est une première vision de l'infini.

L'infini actuel serait au contraire un concept autonome, existant comme tel, avec une définition et des propriétés qui lui seraient propres. Ce serait l’aboutissement d’une démarche d’abstraction propre aux mathématiques. Pour Aristote, et pour la plupart des philosophes et mathématiciens qui lui succéderont jusqu'au XVIIe siècle, ce concept ne peut exister dans notre univers. Dans le livre III de La Physique, Aristote écrit :

Un examen logique prouve que l'infini actuel n'existe pas : si en effet la définition du corps est : ce qui est limité par une surface, il n'y a pas de corps infini, ni intelligible, ni sensible.

Si l'infini actuel existait comme tel, ses parties pourraient aussi être infinies et alors cela serait contradictoire avec l'axiome d'Euclide affirmant que le tout est plus grand qu'une de ses parties. La cause est entendue : l'infini actuel n'existe pas comme tel dans le monde des objets mathématiques ou physiques. Quant à l'infini potentiel, il est seulement la caractéristique de certains ensembles qui ne sont pas finis.

Dans l’Antiquité Archimède s’est approché de l’infini actuel. En cherchant à établir l’aire d’un cercle, il a calculé les aires des polygones inscrits et augmentant le nombre de côtés : plus le nombre de cotés augmente, plus l’aire du polygone se rapproche de celle du cercle. Cette méthode dite « d’exhaustion » qui sera repris près de vingt siècles plus tard lors de la découverte du calcul différentiel et intégral. Archimède n’avait pas raisonné en terme d’infini actuel en ce sens qu’il n’a pas dit que le cercle représentait la suite de polygones dont le nombre tend vers l’infini.

Durant le Moyen-Âge, l'infini dans notre univers allait rester potentiel pour une raison supplémentaire : l'infini actuel ne pouvait être qu'un attribut de Dieu. En effet, pour l'Église chrétienne, monothéiste, et voulant justifier la toute-puissance de son Dieu, on pouvait assimiler ce dernier à l'infini. Définir Dieu comme étant ce qui était infini, donc ne pouvant être ni compris ni mesuré, cela présentait aussi l'avantage de rendre inutile, voire sacrilège toute réflexion sur son existence. Pour Thomas d’Acquin, qui a profondément marqué la pensée religieuse du Moyen Âge à aujourd’hui, penser l’infini est un péché d’orgueil.

La révolution scientifique des XVIe-XVIIe siècles allait réintroduire l'infini, mais sur la pointe des pieds. Galilée n'a pas montré sur cette notion la même audace que sur d'autres aspects de la physique d'Aristote. Galilée constata que chaque nombre entier avait un seul carré et que chaque carré correspondait à un seul nombre entier, sa racine. Si l'infini existait, cela impliquerait que l'ensemble des nombres entiers avait le même nombre d’éléments que celui des carrés de nombres entiers, ce qui était impossible en vertu de l'axiome d'Euclide affirmant que le tout ne peut pas être égal à une de ses parties. La conclusion de Galilée fut que l'infini actuel ne pouvait exister. Il proposa un des nombreux paradoxes sur l’infini. Prenez deux cercles concentriques, un petit et un grand. Il semble évident qu’il y a davantage de points sur le grand que sur le petit. Or Galilée constate qu’en traçant un rayon du grand cercle, il coupe toujours le petit cercle, et qu’en prolongeant un rayon du petit cercle, il coupe également toujours le grand cercle. Cela signifie qu’à chaque point du grand correspond toujours un point du petit, et qu’à tout point du petit correspond toujours un point du grand.

Un rayon associe toujours un point d’un petit cercle à un point d’un grand cercle concentrique et réciproquement.



Galilée n’a pas eu la même audace intellectuelle sur l’infini que sur les places respectives de la Terre et du Soleil. Deux siècles plus tard les mathématiciens Bolzano et Cantor allaient justement définir l’infini potentiel sur la base de ces paradoxes !

Newton et Leibniz allaient être plus pragmatiques, mais pas beaucoup plus innovateurs. Dans les faits ils allaient utiliser l'infini actuel pour établir le calcul différentiel, et plus particulièrement les infiniment petits de Leibniz et les fluxions de Newton. En effet, les fluxions de Newton, représentent une vitesse instantanée, c’est-à-dire une distance infiniment petite divisée par un temps lui aussi infiniment petit. Ces quantités infiniment petites existaient dans un certain sens, mais pouvaient être considérées comme nulles par ailleurs. L'évêque Berkeley, gardien de l'orthodoxie catholique, allait souligner cette contradiction logique. Pour lui l'infini actuel était le propre de Dieu et de lui seul. Ce fut un débat jésuitique. Berkeley avait raison sur la logique du raisonnement tel qu'il se présentait à l'époque, mais la méthode de Newton avait un avantage décisif : elle marchait !

En fait, il fallut attendre les mathématiciens Bernard Bolzano et surtout Georges Cantor, au XIXe siècle, pour donner une base rigoureuse au concept d'infini.
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